Pour un design graphique libre
Note d’introduction (v1.1)
La culture libre propose de repenser notre rapport à la création par la libération du travail, des outils et du savoir. Elle milite pour une liberté de distribution et de modification des œuvres de l’esprit et possède un véritable potentiel de transformation sociale et économique. D’autre part, Le design graphique est une discipline dont le but principal est de mettre en forme l’information pour la rendre accessible et compréhensible. Les objectifs esthétiques, promotionnels et mercantiles, quoi qu’ayant leur importance, peuvent être secondaires. Ces considérations n’ont-elle pas été inventées par et pour le capitalisme ? Sans les rejeter, ne devrions-nous pas les reconsidérer afin de sortir de cette logique ? Ces intérrogation sur le design graphique s’inscrivent dans une volonté de lier ce domaine à des questionnement éthiques, sociaux et politique.
Ainsi, il s’agira d’analyser et de spéculer sur la manière dont le design graphique pourrait et devrait s’impliquer et s’appliquer à la culture libre. Autrement dit, peut-on envisager un design graphique libre ? Pour ce faire, trois valeurs fondamentales de l’ethos du libre→1→ 1 : Telles que décrites par Sébastien Broca dans Utopie du logiciel libre, Le Passager Clandestin, 2013 seront analysées et nous verrons s’il est possible de les appliquer au design graphique : la créativité technique, l’autonomie dans le travail et la libre circulation de l’information.
L‘outil technique tient une place majeure dans le processus de création du design graphique. Il a un impact direct sur la forme finale. De par cette importance, nous verrons il semble nécessaire que celui-ci soit convivial — ainsi que le décrit Ivan Illich→2→ 2 : Ivan Illich, La Convivialité, Seuil, 1973 — c’est à dire qu’il doit être ouvert dans son utilisation, ceci permettant l’expression libre de celui qui l’utilise. Les outils conviviaux sont alors « les outils maniés et non manipulés ». Ainsi, le designer ne devrait-il pas sortir de la passivité technique et appréhender son ordinateur à la manière d’un atelier en chantier perpétuel ? Vu sous cet angle, la pratique du design graphique serait donc incompatible avec un outil (dé)limité et privateur→3→ 3 : Expression de Richard Stallman, expliquée dans Richard M. Stallman, Sam Williams & Christophe Masutti, Richard Stallman et la révolution du logiciel libre, Editions Eyrolles, 2010, p.13, http://framabook.org/richard-stallman-et-la-revolution-du-logiciel-libre/
→ 4 : Voir par exemple l’œuvre de Michel Bakounine ou Pierre-Joseph Proudhon. Peut-être doit-il pour faire adopter une posture de hacker en considérant le bidouillage et la programmation comme des sources de créativité.
La question de l’autonomie dans le travail entend minimiser les contraintes hiérarchiques traditionnelles pour considérer le travail comme un accomplissement de soi plutôt qu’un devoir. Cette posture, inspirée de la pensée anarchiste→4, tend à se détacher de l’homme machine au profit de l’homme créateur. Appliquée au design graphique, cette idée ne pourrait-elle pas engendrer une créativité débridée et une relation de recherche plutôt que d’exécution ?
La libre circulation du savoir, détachée de considérations mercantiles ou égotiques, contribue au développement social et donc à l’épanouissement de la société. Le designer graphique, en tant qu’expert en mise en forme, contribue à la circulation de l’information en la rendant lisible et compréhensible. De ce point de vue, ne serait-il pas logique qu’il participe aussi à la libre diffusion de celle-ci ? Il s’agira aussi de faire un état des lieux de la pratique graphique engagée, de notre héritage, et de définir les nouveaux paradigmes de l’engagement.
Avant d’entamer ces recherches, il me semble important d’ajouter que ce qui va suivre est l’expression d’un point de vue personnel. Loin de moi l’intention d’avoir une vocation dogmatique ou d’émettre des jugements de valeur, mon objectif est principalement de mettre à jour les paradigmes de ce qui constitue les principes de ma pratique personnelle, présente et future.
→ 02/02/2014 — Écrits personnels : 1 - Introduction — Commenter