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Expositions -> Grands espaces

12/2022 DANSER L'IMAGE Ballet national de Marseille direction (LA)HORDEGrands espacesMoulins, CNCS

Fantasmagorie muséale, « Dancing on the edge »

 

Danser l’image. Le Ballet national de Marseille direction (LA)HORDE, propose l’exploration d’un récit atmosphérique, d’une excursion fictionnelle plutôt que la reconstitution chronologique d’une histoire suspendue au réel. La dimension cinématographique construit les plans, le mannequinage[3] – fait de postures expressives –, accompagne la physicalité des costumes et ordonnance le vestiaire de la danse qui est au centre de l’accrochage. L’ensemble est porté par la volonté d’un sentiment cinétique. L’exposition joue au bord de l’installation, entre la dimension spectaculaire d’une reconstitution paradoxalement vivante et l’esprit du musée.

Entre period room, white cube et storage, entre théâtre et archive, les médiums de la danse gravitent autour des costumes, et tracent le récit multiple du Ballet. Le projet curatorial déploie la vision d’une danse contemporaine comprise comme direction artistique, images éditoriales et filmées, hybridité des domaines de la création, fidèle à l’esprit du BNM. Une logique transhistorique initie des catégories de costumes et de documentations, des mouvements et des poses : un stylisme de costumes fait de scènes de vie à l’étrangeté explicite.

Les costumes témoignent aussi, en creux, de l’évolution du statut des corps du Ballet par les expressions d’un dansé habillé, qui du costume au quasi non-costume retrace une histoire de la portabilité, du confort, de la performance physique.

 

L’exposition Danser l’image est le récit contemporain de l’institution à la manière d’un synopsis de film, où le spectateur est invité à traverser de multiples temporalités et atmosphères pour en comprendre le patrimoine comme la puissance créative et visuelle.

03/2021 3537 IN&OUTGrands espacesÉcole Duperré

09/2017 Raphaël Barontini : Alain GutarcGrands espacesGalerie Alain Gutarc, Paris

Back to Ithaque

« Il pensait quant à lui que le poème précède le navire, comme le Père est avant le Fils ; (…). Le regardant, j’insinuai qu’à la mer et aux langues j’ajouterais les foules, et au navire, au poème, les hommes remarquables, les puissants dont les noms résonnent comme des vers, sont de loin visibles comme des voiles. » Pierre Michon, L’Empereur d’Occident*

Il est donc question de héros nouveaux, non pas d’Ulysse cette fois, mais d’autres hommes. De prouesses et de virtuosités, de cette force de lier le destin à la foudre des actes réussis. Il n’est pas question de héros classiques, ou de façon incertaine encore, puisqu’ici repose le récit d’une singularité de forces, de caractères imbattables et auteurs, où résident, dans l’immense dépassement d’une accoutumée domination, de société et de mœurs, l’histoire semblable de trois hommes puissants.

Ithaque, c’est l’Occident gagné. Celui conquit loyalement par des chevaliers à leurs manières, par le style, l’arme et la politique et dont la communauté de particularité repose toute de cette créolité de départ. Chevalier Saint Georges, l’épée flirtant avec et pour la cour de France, Thomas Alexandre Dumas, Toussaint Louverture survolté, filiations d’autres encore dont le destin se lie pour un temps aux ors des régimes d’empires et qui forcent, au contemporain révolutionnaire, le respect d’un continent.

Des héros alors joyeux et jouisseurs. Vision positive ? Créolisée plutôt, comme l’alliage savant mais disputé d’une identité qui adopte le design dominant d’une société de cour, difficile. Le chemin de l’insulaire est celui d’un montage de cultures. D’une figure qui hybride, avec l’esprit des lumières, le combat et la fougue.

Back to Ithaque, seconde exposition de Raphaël Barontini chez Alain Gutharc, est le portrait enthousiaste d’une épopée magnifique de Guillaume Guillon de Léthière, du Chevalier Saint Georges, de Thomas Alexandre Dumas. De l’éclosion picturale sur de grandes formats textiles de ces fascinants héros d’Odyssée, auteurs et musiciens, reconnus pour un temps, le leur, et seuls pour longtemps encore dans l’histoire des histoires - premiers sinon précurseurs créatifs d’un épisode monumental du devenir créolisé du monde.

Alors, il est question d’allers et retours, de conquêtes à l’image. Il est question de rivages et de mers, d’océans et d’accès. Et de voiles de bateaux, tentures œuvres qui charrient ces corps, des formes, des identités et qui les débarquent modifiés du voyage, eux épris de victoire, vainqueurs de cyclope sans personne ou de colosses décomposés, insolés par une idole déesse. On y retrouve le bassin méditerranéen mythologique ; les histoires d’Ulysse et de barbares sont dans toutes les traversées, miroir divergent de la seule traversée – hétérotopique - vers l’ailleurs. De rappeler au présent que la pluralité fait monde, que les logiques sensibles sont faites de croisements, de médiations et de rencontres ambivalentes et bien moins de narcisses clos, de sujets sans génie, du définitif.

Entre souvenir et image de mythes, les œuvres de Raphaël Barontini détaillent et dressent les allures composées de ces héros réactualisés, dont le mode de représentation est le style, l’apparence appropriable et rejouée, iconographie de l’hétérogène, multi média, avec un désir ardant d’accoster le monde pour mieux remixer les heures, les genres et d’assurer par l’anachronisme des montages et des formes une exemplaire histoire de liberté. De l’impression, sérielle et sérigraphique, de multiplier les images encore, que la figure humaine construise l’affirmation et la récurrence des possibles, des diversités et des singularités. De ces portraits aussi, l’écho brutal des migrants contemporains, de ces bateaux qui traversent à péril et mort l’entre deux rives.

Les peintures de Raphaël Barontini, voiles tendues, textiles cousus, plaqués, transpercés, imprimés, disent cette pluralité héroïque. Les gammes colorées, les médiums et matériaux différents autant que les motifs polysémiques définissent une vision augmentée. L’horizon est pictural. L’opération réussit. Les toiles, libres, projettent l’espace dans un tout autre lieu. Le continent a besoin de l’insulaire comme l’insulaire gagne une terre plus vaste par aimantation.

Nulle réécriture prosélyte, mais le récit décomplexé d’une réelle interconnexion, d’une zone d’influence. L’océan, au milieu, sa fluidité, est la seule possibilité de cette rencontre. Le flux, les images et référents, l’accès aux détails, la perte de ce détail même, la densité des strates et des couches, le frottement dans l’œil par réduction et superposition… C’est de tout cela dont se compose l’océan atmosphérique de cette présentation de portraits peints par Raphaël Barontini. Solarisé, écran et miroir, les œuvres sont l’imposition de figures qui trônent à contre jour, le sable est brulé, le soleil négatif diffuse ses radiations invisibles, qui comme l’affichage digital, vibre.

L’héroïque insulaire, lui, est pris dans la mer de ses reflets, séduit. Il est merveilleux, il réside ici. Sur l’une ou l’autre des rives.

Le 1 septembre 2017,

Mathieu Buard

*Pierre Michon, L’Empereur d’Occident, Verdier poche, 2007, p.13

09/2014 LA LOUTRE & LA POUTREGrands espacesMoly-Sabata, Fondation Albert Gleizes