Salut Quentin,
Merci pour l’intérêt que tu portes à mes recherches.
Je suis évidemment complétement d’accord avec ton postulat et la question que tu soulèves fait effectivement parti de mes recherches. C’est donc en avançant dans mes recherches que je serais plus à même de te répondre. Cela dit, je peux déjà formuler un embryon de réponse.
Il me semble que l’aspect réellement vivant et créatif des outils libres repose principalement sur une posture technique que l’on entretien avec ceux-ci. Effectivement, Scribus n’a en soi pas grand avantage créatif par rapport à Indesign. Néanmoins, en adoptant une posture plus technique sur cet outil, en cherchant à comprendre son fonctionnement et à l’adapter à ses besoins, on dépasse très rapidement Indesign qui n’offre même pas cette possibilité. Un graphisme libre entend aussi l’exploitation d’outils dont la fonction n’est pas forcement la création graphique mais dont celle-ci est détournée à des fins créatives.
Pour aller plus loin, je crois que cette posture est même à détacher du logiciel. Les outils de programmation, pour la plupart libres, ont une capacité créative incroyable. Ils permettent une inventivité potentiellement infinis et des productions formelles totalement inédites.
En adoptant ces preceptes, on agit en hacker, dans le sens de bidouilleur — pas uniquement informatique — et de recherche de compréhension et de détournement de l’outil.
Il est vrai que tout cela est très abstrait. Mais c’est aussi la beauté d’une telle démarche, d’évoluer en terrain peu connus et d’avoir encore beaucoup à faire. Plus concrètement, je te conseille de te pencher sur le travail d’
OSP, particulièrement sur les programmes et identités qu’ils ont conçus pour le théâtre de la Balsamine. Le
programme de la saison 2011-2012 a été conçu non pas sur un logiciel de création graphique mais sur un tableur, LibreOffice Calc, équivalent libre de Excel.
Celui de la saison 2013-204 a été élaboré sur une longue page web en utilisant html/css/javascript. Sa version imprimée est donc cette page web découpée.
C’est un questionnement qui reste ouvert, j’espère trouver d’autres éléments de réponse au fur et à mesure de mes recherches. Je t’invite à en suivre l’évolution et à ne pas hésiter à me recontacter pour soulever d’autres questions, me contredire ou approfondir certains points.
Étienne
PS : Si tu n’y vois pas d’inconvénient, j’aimerais publier notre conversation sur mon blog. Je trouve très intéressant d’ouvrir la discussion et cela ne peut qu’être constructif.
Le 13 février 2014 21:43, Quentin G. a écrit :
Salut Etienne,
Aucun problème pour que tu publie la conversation.
Je te rejoins sur cet aspect bidouille ; la personnalisation, voire la création d’un outil destiné à un projet spécifique, ou le détournement d’un outil amènent des résultats nouveaux, et permettent ainsi une réflexion autre, allant plus loin. Cette démarche ,étant exposé au plus grand nombre afin que chacun se réapproprie l’outil en question, permet des avancées ( quelle que soit la direction ; le défrichage et la mise en friche ici se rejoignent, ne formant plus qu’un….) exponentielles.
L’édition 2012 de
Graphisme en France, abordant la question de la programmation dans les pratiques du graphisme, traite, dans un texte de Kevin Donnot (
http://www.e-k.fr/) de la question des logiciels propriétaires. Leur développement a pour but de rendre utilisable ces logiciels par un plus grand nombre. En adoptant cette posture, ces logiciels se montrent donc limités par essence. (cela correspond à une logique mercantile, qui a une sacré tendance à foutre la merde partout ou elle passe…)
Je continue de suivre tes recherches, et te souhaite bonne continuation pour la suite.
Quentin